« A Athènes, tu verras, la situation est
plus tendue encore. Fais bien attention, il y a des quartiers où il faut
éviter de s’aventurer. » J’étais prévenue. Tout le monde me chantait le même refrain. Hébergée par un ami grec, Giorgis, j’ai compris très vite.
« Les délits - les vols, les agressions - se sont multipliés,
depuis le début de la crise notamment. Le taux de suicide aussi a
explosé. » Les habitants ont de plus en plus peur. Les appartements
situés au rez-de-chaussée se munissent de barreaux aux fenêtres.
Mon
ami habite en banlieue d’Athènes dans un quartier calme et pourtant,
dès qu’il quitte son appartement ou au moment de dormir, il ferme
systématiquement fenêtres et volets. Avec la chaleur, j’ai bien cherché à
lui faire laisser la fenêtre ouverte pendant la nuit, rien à faire.
« Toutes les semaines, il y a des cambriolages, me dit-il, je ne veux pas être le prochain. »
Giorgis est loin d’être le seul à agir ainsi. Dans les immeubles d’en
face, les voisins font de même. Athènes est une ville très étendue et
très peuplée. En 2011, on recensait 3 074 160 personnes habitant dans
l’ensemble de l’aire urbaine, soit environ un tiers de la population
totale du pays. Cela produit un effet entonnoir, les problèmes que
rencontre la Grèce au niveau national sont accentués et multipliés à
Athènes.
En me faisant visiter la ville, Giorgis me désigne de loin les
quartiers à éviter: Victoria, Omonoia etc. Dans ces rues vivent
principalement les immigrés clandestins, regroupés.
Rancœur envers les immigrés
Depuis mon arrivée en Grèce, je n’ai pu m’empêcher de noter la
rancœur de nombreux Grecs envers les immigrés. Alors j’ai questionné
autour de moi. Tout a commencé à la chute de l’union soviétique, les
frontières ouvertes ont laissé le passage libre à un flot énorme (on
parle de plusieurs millions) d’immigrés très pauvres en provenance de
l’ancien bloc soviétique – Albanais, Bulgares, Russes etc. Phénomène
alors inédit pour des Grecs plus habitués par le passé à quitter leur
pays eux-mêmes pour améliorer leur niveau de vie. Les années de
prospérité économique aidant, les immigrés se sont totalement mélangés à
la société grecque pas mécontente alors de trouver des travailleurs à
des coûts plus faibles. Or depuis quelques années, les Grecs voient
arriver de nouveaux immigrés à la peau foncée en provenance d’Asie de
l’Ouest ou d’Afrique qui entrent en Europe par la Grèce par facilité
afin de se diriger vers des pays où il y a plus d’argent. La Grèce est
donc devenue un lieu de passage à la frontière de l’Europe.
Ma proprio à Thessalonique ne comprend pas. « J’ai habité à
Athènes pendant treize ans, il y a toujours eu des immigrés et ça se
passait bien. Depuis quelques années, tout le monde me parle des
troubles survenus, de l’inquiétude vis-à-vis des immigrés clandestins.
Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. »
Evidemment, en temps de crise, les mêmes schémas se répètent.
L’étranger se retrouve accusé de voler les natifs de ce qui leur
revient : jobs, aides financières de l’Etat etc., il devient une sorte
de bouc émissaire. Evidemment, il y a de vrais problèmes liés à
l’augmentation de l’immigration clandestine, notamment à Athènes et dans
les grandes villes, cela explique certainement l’influence grandissante
du parti néo-nazi Chryssi Avghi (Aube Dorée). Cependant les avis sont
très divergents et de nombreuses manifestations antifascistes ont lieu
dans tout le pays en réaction aux résultats importants réalisés par ce
parti. « Je trouve qu’on ne devrait pas mal traiter les immigrés de
Grèce. Il ne faut pas oublier qu’avant ce sont nous qui étions à leur
place et qui partions à l’étranger pour trouver du travail, une vie.
Nous sommes tous humains », estime une étudiante.
In fine, quand je demande à Giorgis s’il aime Athènes, il me répond que non. « Je
suis venu habiter ici pour trouver du travail. L’ironie de l’histoire
c’est que maintenant, les gens quittent la ville et retournent dans leur
village pour retrouver du boulot ».
http://grece.blogs.liberation.fr
30 juillet 2012
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